Dernier de Reims à deux têtes
Quelqu'un (que je remercie vivement) m'a envoyé une photo d'un denier rémois, atypique du reste du monnayage rémois puisqu'elle représente une tête sur chaque face, chaque tête étant "de face".
Je ne connais pas d'autre exemple de monnaie à deux visages de face parmi les ateliers laïques (que je connais mal), et concernant les ateliers ecclésiastiques, seulement 1 denier à Strasbourg1, et la série laonnoise2.
Ce même denier, dessiné au XIXe siècle dans l'ouvrage de Caron (complément à Poey d'Avant), donne ceci :
J'ai mis en ligne tous les autres deniers que je connaissais du monnayage de Reims, non encore classés (mais j'y viendrai). Même non classés, cela permet toutefois de voir qu'aucun autre de la série ne s'y apparente. Au contraire, par la suite les deniers rémois sont tous régis par le même modèle : monogramme de l'archevêque d'un côté, et une croix chargée en deux ou quatre de ses cantons.
Au sujet du présent denier, l'article le plus récent qui lui est consacré est le suivant :
CRINON (Pierre), « Le denier de Gerbert (991-998) et Hugues Capet (987-996) », Journées numismatiques, Reims 6-8 juin 1992, BSFN, 1992, p. 356-360.
Voici ce que j'en ai tiré :
Le type aux deux têtes de face semble découler directement du type à la tête de profil en usage à Reims et dans la région vers 969-986 sous Lothaire et Adalbéron d’une part, et Lothaire et Herbert le Vieux d’autre part. Pour son monnayage rémois, le comte Eudes II de Blois et Chartres copie ce type au début du XIe siècle3. Par ailleurs, si l’on adopte l’attribution que Caron et Dieudonné donne à un denier de Laon , l’évêque de ce lieu, Adalbéron (977-1031), aurait frappé une monnaie montrant de la même façon une tête sur chaque face, dès le règne de Louis V (986-987).
Serrure a proposé d’attribuer ces deniers rémois à deux têtes au second épiscopat d’Arnoul (998-1021). Mais la datation de deux trésors qui en contenaient des exemplaires, celui de Broa (Suède) et celui de Novyj-Dvor (Ukraine), enterrés à la fin du Xe siècle, contredisent cette hypothèse. Il faut donc les donner à Gerbert, qui au début du règne de Hugues Capet est un proche du roi et l’instructeur de son fils Robert. Sa situation vis-à-vis de son chapitre cathédral se détériore vers 995-996, son élection est contestée. Les monnaies aux deux têtes correspondent donc sans doute à la première période, vers 991-995.
L’archevêque Adalbéron (939-988) frappe au nom du roi Lothaire. Il est néanmoins le premier à placer son nom de la même manière que celui du roi. Ensuite, le prétendant à la succession de Louis V, Charles de Basse-Lorraine, est appuyé par l’archevêque Arnoul (988-991). La révolte est matée et le nouveau prélat, Gerbert, frappe anonymement, à l’effigie du roi et de l’archevêque. « Progressivement, le roi a donc vu son nom disparaître de la monnaie rémoise, alors que le prélat y plaça le sien puis son effigie. La place du prélat est devenue équivalente de celle du roi. Le dernier pas reste à franchir : le prochain monnayage sera purement épiscopal. »4
___________
1. ENGEL, LEHR, p. 159 , n° 8 ; K. VERBEKE, Le monnayage médiéval alsacien, p. 114, fig. 15.
2. Poey d'Avant, 6533-6547, pl. CLII ; Caron 618.
3. Lucien MAXE-WERLY, « Etat actuel de la numismatique rémoise », RBN, 1889-1890, n° 44, p. 239 ; PA 6051-6053 (pl. CXL, 10) ; Pierre CRINON, « Le denier de Gerbert (991-998) et Hugues Capet (987-996) », Journées numismatiques, Reims 6-8 juin 1992, BSFN, 1992, p. 358.
4. P. CRINON, art. cit., p. 360.
Je ne connais pas d'autre exemple de monnaie à deux visages de face parmi les ateliers laïques (que je connais mal), et concernant les ateliers ecclésiastiques, seulement 1 denier à Strasbourg1, et la série laonnoise2.
Ce même denier, dessiné au XIXe siècle dans l'ouvrage de Caron (complément à Poey d'Avant), donne ceci :
J'ai mis en ligne tous les autres deniers que je connaissais du monnayage de Reims, non encore classés (mais j'y viendrai). Même non classés, cela permet toutefois de voir qu'aucun autre de la série ne s'y apparente. Au contraire, par la suite les deniers rémois sont tous régis par le même modèle : monogramme de l'archevêque d'un côté, et une croix chargée en deux ou quatre de ses cantons.
Au sujet du présent denier, l'article le plus récent qui lui est consacré est le suivant :
CRINON (Pierre), « Le denier de Gerbert (991-998) et Hugues Capet (987-996) », Journées numismatiques, Reims 6-8 juin 1992, BSFN, 1992, p. 356-360.
Voici ce que j'en ai tiré :
Le type aux deux têtes de face semble découler directement du type à la tête de profil en usage à Reims et dans la région vers 969-986 sous Lothaire et Adalbéron d’une part, et Lothaire et Herbert le Vieux d’autre part. Pour son monnayage rémois, le comte Eudes II de Blois et Chartres copie ce type au début du XIe siècle3. Par ailleurs, si l’on adopte l’attribution que Caron et Dieudonné donne à un denier de Laon , l’évêque de ce lieu, Adalbéron (977-1031), aurait frappé une monnaie montrant de la même façon une tête sur chaque face, dès le règne de Louis V (986-987).
Serrure a proposé d’attribuer ces deniers rémois à deux têtes au second épiscopat d’Arnoul (998-1021). Mais la datation de deux trésors qui en contenaient des exemplaires, celui de Broa (Suède) et celui de Novyj-Dvor (Ukraine), enterrés à la fin du Xe siècle, contredisent cette hypothèse. Il faut donc les donner à Gerbert, qui au début du règne de Hugues Capet est un proche du roi et l’instructeur de son fils Robert. Sa situation vis-à-vis de son chapitre cathédral se détériore vers 995-996, son élection est contestée. Les monnaies aux deux têtes correspondent donc sans doute à la première période, vers 991-995.
L’archevêque Adalbéron (939-988) frappe au nom du roi Lothaire. Il est néanmoins le premier à placer son nom de la même manière que celui du roi. Ensuite, le prétendant à la succession de Louis V, Charles de Basse-Lorraine, est appuyé par l’archevêque Arnoul (988-991). La révolte est matée et le nouveau prélat, Gerbert, frappe anonymement, à l’effigie du roi et de l’archevêque. « Progressivement, le roi a donc vu son nom disparaître de la monnaie rémoise, alors que le prélat y plaça le sien puis son effigie. La place du prélat est devenue équivalente de celle du roi. Le dernier pas reste à franchir : le prochain monnayage sera purement épiscopal. »4
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1. ENGEL, LEHR, p. 159 , n° 8 ; K. VERBEKE, Le monnayage médiéval alsacien, p. 114, fig. 15.
2. Poey d'Avant, 6533-6547, pl. CLII ; Caron 618.
3. Lucien MAXE-WERLY, « Etat actuel de la numismatique rémoise », RBN, 1889-1890, n° 44, p. 239 ; PA 6051-6053 (pl. CXL, 10) ; Pierre CRINON, « Le denier de Gerbert (991-998) et Hugues Capet (987-996) », Journées numismatiques, Reims 6-8 juin 1992, BSFN, 1992, p. 358.
4. P. CRINON, art. cit., p. 360.
Libellés : Laon, numismatique, Reims
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