Saint-Martin de Tours
AUDRANT (Jean), « Découverte de monnaies baronales et autres, près Quimperlé (Finistère) », Bulletin de la Société archéologique du Finistère, 1876-1877, n° 16, p. 50-55.
CARTIER (Etienne), « Sur la monnaie de Saint-Martin de Tours », Congrès scientifique de France, Tours 1847, 1847, n° 2, p. 273.
CRINON (Pierre), DHÉNIN (Michel), PROT (Richard), BSFN, 1997, p. 117-122.
FILLON (Benjamin), « Monnaies inédites de Saint-Martin de Tours », RN, 1844, n° 9, p. 271-277.
GUÉGAN (Pierre), « Hagiographie et numismatique », Echo des Calètes, 1980, n° 42 ; n° 44 ; 1981, n° 45 ; n° 46 ; n° 47 ; n° 48 ; 1982, n° 49 ; n° 50.
LAFAURIE (Jean), « Deniers de Saint-Martin et Saint-Maurice de Tours frappés au viiie siècle », BSFN, 1976, p. 85-88.
LECOINTRE-DUPONT (Gabriel), « Sur la monnaie de Saint-Martin de Tours », Congrès scientifique de France, Tours 1847, 1847, n° 2, p. 126.
Date de concession | 919 ? |
Période de frappe | xe-xiie siècle |
Bénéficiaire | abbé laïque, puis roi de France à partir de Philippe Auguste (1180-1223) |
Saint patron | saint Martin |
Province | Touraine |
Diocèse | Tours |
Province ecclésiastique | Tours |
Liste des abbés
Robert, duc des Francs puis roi de France 890-922
Hugues, duc des Francs 922-956
Hugues Capet 956-987
Liste des doyens
Renaud 966-v. 988
Archambaud v. 988
Ulger avant 1007-1021
Bovus 1021-1035
Josbert
Geoffroy 1052
Raoul Ier 1067
Geoffroy II 1072-1086
Pierre Ier de Doué 1086-1112
Odon II Petro 1112-v. 1145
Philippe Ier 1155, 1161
Barthélemy 1163, 1172
Philippe II 1176-1192
Anselme 1192-1197
Saint-Martin de Tours constitue un atelier abbatial très particulier, pour plusieurs raisons, la première étant que son monnayage est récupéré par Philippe Auguste lorsqu’il déclare la commise sur les terres du roi d’Angleterre Jean sans Terre (1199-1216) en 1202-1204, et que le roi de France fait de cette monnaie la monnaie royale par excellence. Une autre caractéristique, plus importante ici, est la source de débats qu’a constitués l’interprétation du célèbre type du « châtel » tournois, sur lequel il est indispensable de s’attarder quelque peu.
I. L’abbaye : situation
A. Statuts et gouvernement
1. Les sépultures de saint Martin
Il est inutile de revenir avec précision sur la vie de saint Martin, le grand évangélisateur de la Gaule. Il parcourt de nombreuses régions de Gaule, fonde plusieurs abbayes, dont Ligugé2 en 361, et Marmoutier3, près de Tours, vers 371. Il est ensuite évêque de Tours, de 371 à 397, date de sa mort4. Sa Vie est rédigée peu après par Sulpice Sévère (v. 360-v. 420), son disciple. L’histoire de saint Martin ne s’arrête pas avec sa mort, car ses reliques ont également une histoire tourmentée. Pour commencer, saint Martin meurt à Candes5, à la limite de la Touraine et de l’Anjou. Les moines de Ligugé et ceux de Marmoutier se disputent le corps de leur fondateur commun. Les Tourangeaux emportent le corps de nuit, et l’emmènent dans un cimetière situé aux portes de Tours. La fréquence d’un pèlerinage qui se développe rapidement autour de son tombeau amène le successeur de saint Martin au siège épiscopal, saint Brice, à élever une première basilique en 420. Une communauté de moines en assure le culte6.
En 470, l’évêque saint Perpète fait bâtir une nouvelle basilique, plus vaste, reconstruite encore une fois à la fin du ixe siècle7, après le passage des Normands.
Les raids des Normands, qui remontent souvent le cours des fleuves, contraignent les moines à placer les reliques dans l’abbaye de Cormery8, monastère bénédictin fondé à la fin du viiie siècle par Ithier, abbé de Saint-Martin. Puis elles subissent plusieurs retours et exils successifs. A la fin du ixe siècle, elles sont transportées jusqu’à Chablis9, en Bourgogne, où est fondé un monastère. Elles sont ramenées à Tours cinq ans plus tard. Par la suite, la basilique est entourée d’une forte enceinte destinée à protéger les moines et le saint des attaques. Le bourg ainsi entouré prend peu après le nom de Châteauneuf10, lorsque le « castrum Sancti Martini » est entouré, non plus de la palissade du xe siècle, mais d’un rempart de pierre au début du xie siècle.
C’est sans doute l’existence de ces murs qui incite les numismates du xixe siècle à voir dans le « châtel » tournois, la représentation d’un château.
2. Une abbaye privilégiée
Dès avant son baptême, Clovis montre une dévotion particulière pour le culte de saint Martin. Il vient se recueillir sur son tombeau avant sa campagne militaire de 507. « Saint Martin est dorénavant le saint protecteur des Mérovingiens et des Francs. »11 La même année, après sa victoire de Vouillé sur les Wisigoths, c’est encore à Tours qu’il reçoit l’envoyé de l’empereur Anastase Ier (491-518) qui vient lui déclarer sa reconnaissance officielle par Constantinople comme roi, et lui faire savoir sa nomination au consulat d’honneur12.
L’abbaye Saint-Martin devient un centre culturel, et l’abbé est plus puissant que l’archevêque de Tours. Le roi se charge de la désignation de l’abbé, qui est toujours un personnage politique de premier plan. Pépin le Bref nomme à cette charge son ambassadeur à Rome. C’est d’ailleurs de l’époque du premier roi carolingien que date la première monnaie connue13 :
Dans le champ : PI (croisette cantonnée de quatre traits) PI ; au-dessous, les lettres RE ; au-dessus, un toit horizontal ; le tout dans un grènetis.
Rev. : + SCI MARTINI Globe dans un grènetis.
Sous Charlemagne, c’est Alcuin (v. 735-804) que le souverain nomme abbé de Saint-Martin. Un denier est frappé sous son abbatiat, à la fin du viiie siècle :
CARO/LVS en deux lignes séparées par un trait, dans un grènetis.
Rev. : + SCI MARTINI Croix pattée dans un grènetis.
Ensuite, ce sont des Robertiens qui sont désignés comme abbés de Saint-Martin, à la fin du ixe siècle. En tant que comte, Robert le Fort est chargé de défendre le territoire des attaques normandes dans la vallée de la Loire. Il peut ainsi s’implanter fortement dans cette région, et rendre le titre d’abbé transmissible. Durant tout le xe siècle, les abbés laïques issus de cette dynastie occupent cette fonction, et bénéficient donc des revenus de la frappe. Dans la réalité, la vie quotidienne de l’abbaye est réglée par un moine occupant la fonction de doyen.
B. Le droit de frappe
L’histoire monétaire de Saint-Martin de Tours connaît de nombreuses lacunes. Son origine n’est pas claire. Il existe un atelier impérial à Tous au ixe siècle. Par un acte de 919, le roi Charles le Simple (898-922) cède son droit de frappe, avec la permission d’avoir un type particulier :
[…] Propriam monetam et percussionem proprii numismatis nostra auctoritate concederemus.
On y voit souvent la première et unique autorisation faite à un évêque ou abbé de monnayer à un type propre. Mais l’expression « propria moneta » ne signifie pas forcément que le type est laissé au choix de l’établissement. La formule de concession monétaire en faveur du chapitre cathédral de Metz est la suivante :
Percussuram proprie monete apud Sareburch habeant libere, sic tamen ut pondere et puritate argenti a Metensi non discrepet.
La propria moneta est concédée, à la condition que les chanoines frappent aux poids et titre du monnayage épiscopal Metz, et qu’ils n’emploient pas d’autres types que ceux utilisés également par les évêques.
La bulle du pape Etienne IX (1057-1058) en faveur de Cluny, en 1058, déclare :
Quandocunque vel quandiu vobis placuerit, percussuram proprii numismatis vel monetae, quemadmodum privilegiis venerabilibus praedecessorum nostrorum comperimus vobis concessum et confirmatum esse.
Or à cette date, l’abbaye de Cluny ne monnaie que dans les abbayes de Saint-Jean d’Angély et Niort, aux types des comtes de Poitiers. L’interprétation qui consiste à voir dans cette concession une autorisation de monnayer à un type différent du type royal n’est due qu’aux monnaies qui sortent alors de l’atelier abbatial, donc à une constatation a posteriori de l’usage qui en est fait.
Quoi qu’il en soit, la forme de l’acte dans lequel est concédée la monnaie de Tours est atypique. L’ensemble constitue un privilège exceptionnel, en faveur d’une abbaye dont la puissance est tout aussi exceptionnelle. A cette date en effet, l’abbé en est Robert II, fils de Robert le Fort, frère d’Eudes, roi de France (888-898). Il devient lui-même roi en 922-923, après avoir vaincu Charles le Simple (898-922). Cependant, la forme de cet acte le rend extrêmement suspect. Il est atypique dans sa structure, et cela rend douteuse l’authenticité de la concession de 919. L’acte a probablement été remanié ultérieurement18. Ce qui est sûr cependant, c’est que c’est de cette époque, dans les années 920, que date la plus ancienne émission abbatiale connue : la tête de profil de saint Martin.
II. Les émissions monétaires
Rappelons avant tout que l’abbaye de Saint-Martin de Tours n’est pas le seul atelier à exploiter la vie et le culte de ce saint comme iconographie monétaire. Outre toutes les têtes de saint Martin dans la numismatique, en particulier à l’époque mérovingienne, la ville de Colmar à la fin du xve siècle frappe la scène où saint Martin partage son manteau ; ou encore saint Martin à cheval conduisant un squelette ― c'est-à-dire les deux thèmes les plus célèbres tirés de la vie du saint.
L’iconographie numismatique de l’abbaye se compose de deux types principaux : la tête de saint Martin de profil gauche, et le « châtel » tournois. La signification de chacun de ces deux types pose des problèmes spécifiques.
A. La tête de saint Martin
Il existe en réalité deux familles de monnaies adoptant ce type à Tours, dont le style différe considérablement.
1. La tête antique (années 920-930)
Les premiers deniers montrent une tête de profil droit, nue, accostée à gauche d’un S surmonté d’un tilde, à droite d’un M également surmonté d’un tilde. Le dessin occupe toute la surface de la pièce, et il n’y a pas de rondeau. Au revers, la légende circulaire porte : Ratio sancti Martini, autour d’un monogramme carolin dans un grènetis. Le revers reprend donc le droit des monnaies au type de Pîtres. Il existe des deniers de Saint-Martin frappés sous Charles le Chauve (843-877) au type du temple tétrastyle, mais aucun après 864. Les deniers à la tête sont dans la suite directe des deniers au temple.
Il est possible que l’intention ait été de représenter un chef-reliquaire. Mais en admettant qu’il s’agisse de la représentation d’un reliquaire, cela n’explique pas la disparition du rondeau dont rien ne nécessitait la suppression. A moins qu’une inspiration extérieure n’ait incité les moines à modifier le modèle préalable, celui qui est frappé à Tours depuis Charles le Chauve. Selon Françoise Dumas, le type est inspiré des pièces constantiniennes frappées vers 330-337, où est représenté Constantin en orant, buste nu, tête de profil ceinte du bandeau royal et levée vers le ciel.
Le type à la tête antique de saint Martin est repris à Vich par l’évêque, avec un profil barbu et les lettres S et P (non tildées), pour désigner le patron de la cathédrale, saint Paul21.
Cette pièce est rare, et sa frappe est brève : sous Lothaire (954-986) au plus tard, l’abbaye a repris le type au temple. Rappelons que les abbés de Saint-Martin sont des Robertiens. En 922, à l’époque où est frappé le type si particulier de la tête de profil au style antique, un membre de cette famille, Robert, laisse sa charge d’abbé de Saint-Martin de Tours à son fils Hugues le Grand pour devenir roi de France (922-923). Lui succède peu après comme roi son gendre, Raoul (923-936)22. Les règnes de Louis IV d’Outremer (936-954) et Lothaire (954-9385) marquent le retour de la dynastie carolingienne. L’adoption du type nouveau et très original à Saint-Martin de Tours que constitue la tête antique correspond donc à une période où son abbé est le beau-frère du roi. Sous Lothaire, on assiste dans l’abbaye à un retour au type carolingien du temple tétrastyle. Mais peut-être ces évènements politiques sont-ils sans lien direct avec la typologie numismatique de Saint-Martin.
2. Retour au type du temple (milieu xe-milieu xie siècle ?)
Après la première émission à la tête de profil, l’abbaye reprend le type au temple, à partir du règne de Lothaire. La frappe est en tout point semblable au type employé par Charles le Chauve dans la première moitiée de son règne, à ceci près que la mention du roi, au doit, a été remplacée par celle du saint : Sanctus Martinus. Au revers, la légende en place sous Charles le Chauve, Sancti Martini moneta, est abandonnée pour la formule Turonis civitas qui est inscrite pour plusieurs siècles.
3. La tête de style schématique (xie siècle)
La tête sur la première émission abbatiale est désignée par les lettres SM, Sanctus Martinus ou Sancti Martini. Vers la fin du xe ou au début du xie siècle, abandonnant la représentation au temple, l’abbaye adopte de nouveau comme type monétaire une tête de profil, dans un grènetis cette fois, et entourée de la légende : Caput sancti Martini. La tête est diadémée.
Le contraste entre les deux émissions à la tête de saint Martin est plus intéressant encore que l’observation séparée de chacune. Le style en est très différent, et toute la structure de l’image est modifiée. Sur cette pièce, la tête est circonscrite dans un grènetis. La présence du rondeau et du grènetis autour de la tête de saint Martin sur cette seconde émission rend plus évidente encore, pour la première émission, la nécessité d’expliquer par une influence extérieure l’abandon de cette partition de la surface de la pièce.
Le nom du saint précédé du mot Caput ne se retrouve dans les monnayages ecclésiastiques du royaume qu’à Saint-Médard de Soissons. Au revers, la croix pattée est entourée des mots TVRONVS CIVITAS, bientôt abrégés en TVRONVS CIVIS. La datation de ces pièces est difficile : on hésite à placer le début de ses émissions entre la fin du xe siècle et le courant du xie siècle. Peut-être ont-elles duré jusqu’à la fin de ce même siècle.
B. Le « châtel tournois »
Vers la fin du xie siècle, la tête de profil est abandonnée, pour un nouveau type, de dessin un peu rude, dont la stylisation croissante aboutit au xiie siècle à la forme classique du type tournois. Il est vraisemblable que quelques dizaines d’années séparent le temple et le châtel, entre lesquelles est frappé le denier à la tête. Le châtel apparaîtrait peut-être alors seulement au début du xiie siècle ; cette datation est confirmée par l’apparition du châtel sur les deniers de Foulques V d’Anjou (1109-1131).
1. Petit précis historiographique
Il n’est pas question de retracer toute l’historiographie de ce type dans la production numismatique : rares sont les numismates qui ne s’y sont pas intéressés. Il est cependant nécessaire d’émettre plusieurs remarques. La première est que le terme de « châtel » n’apparaît qu’au xixe siècle, sous la plume de certains historiens. Ce n’est nullement une désignation contemporaine des pièces elles-mêmes. Au Moyen Age, le type tournois n’est jamais décrit, explicité.
En 1835, Joachim Lelewel, dans une étude sur types médiévaux, ne fait pas usage de ce mot : il parle de « portail ». En 1850 en revanche, Benjamin Fillon s’en sert25, de même qu’Anatole de Barthélemy dans son Manuel26. Il s’impose progressivement, jusqu’à faire l’unanimité. L’emploi d’un tel terme influe donc nécessairement sur l’interprétation que l’on en fait.
2. Le temple carolingien et le châtel tournois
Il est extrêmement difficile de dire si le type tournois provient d’une dégénérescence ensuite stabilisée et stylisée du temple carolingien tétrastyle. Les séries monétaires de Tours semblent avoir une rupture iconographique dans le passage de l’un à l’autre, mais les derniers deniers au temple et les premiers deniers au châtel ne semblent pas complètement éloignés. Du reste, il n’est pas sûr que cela ait une réelle importance pour la compréhension du type tournois. En effet, le premier type à la tête de saint Martin s’est inspiré d’une monnaie représentant Constantin. Qu’y aurait-il d’étonnant alors à ce que le type tournois prenne pour modèle le temple carolingien, sans pour autant que l’intention des graveurs, au xie siècle, soit encore de représenter ce temple.
Un phénomène doit être pris en compte : la stabilisation du type tournois. Pendant quelques décennies, le dessin du tournois est variable, hésitant. Il se stabilise dans le courant du xiie siècle, ce qui signifie alors que les graveurs deviennent capables de reproduire un type antérieur, parce qu’ils y reconnaissent « quelque chose ». Ce quelque chose n’est pas nécessairement un objet existant : très souvent, il s’agit d’une forme géométrique, comme quatre annelets disposés en croix, ou la croix melgorienne. Pour le type tournois toutefois, le dessin est trop complexe pour que ce puisse être le cas.
Voir dans ce type un châtel, ou quelque édifice architecture, signifie que le type représente soit un lieu : Châteauneuf, l’abbaye, Tours ; soit un édifice : la basilique, ou l’enceinte qui la protège.
Voici la liste des ateliers épiscopaux frappant au type de l’édifice, classés par ordre chronologique (les deniers de Saint-Martin n’y sont pas compris)27 :
Le type de l’édifice sur les monnaies épiscopales
Type au temple, ou dégénérescence de ce type
Atelier | Référence | Epoque | Province | Type au temple, ou dégénérescence de ce type |
Strasbourg | I.A.8. | xe siècle | Alsace | non |
Strasbourg | I.A.10. | xe siècle | Alsace | non |
Metz | XVI.A.1. | xe siècle | Lorraine | oui |
Metz | XVI.A.3. | xe siècle | Lorraine | oui |
Strasbourg | I.A.11. | xe siècle | Alsace | non |
Strasbourg | I.A.14. | xe siècle | Alsace | non |
Strasbourg | I.A.12. | xe siècle | Alsace | non |
Strasbourg | I.A.13. | xe siècle | Alsace | non |
Laon | XIII.D.7. | xe siècle | Ile-de-France | non |
Beauvais | XIII.C.7. | fin xe siècle | Ile-de-France | non |
Metz | XVI.A.4. | fin xe-début xie siècle | Lorraine | oui |
Metz | XVI.A.5. | fin xe-début xie siècle | Lorraine | oui |
Soissons | XIII.F.2. | xie siècle | Ile-de-France | oui |
Metz | XVI.A.12. | xie siècle | Lorraine | oui |
Metz | XVI.A.13. | xie siècle | Lorraine | oui |
Metz | XVI.A.5. | xie siècle | Lorraine | oui |
Toul | XVI.E.4. | xie siècle | Lorraine | non |
Verdun | XVI.I.10. | xie siècle | Lorraine | oui |
Verdun | XVI.I.11. | xie siècle | Lorraine | non |
Verdun | XVI.I.12. | xie siècle | Lorraine | non |
Verdun | XVI.I.16. | xie siècle | Lorraine | non |
Metz | XVI.A.14. | xie siècle | Lorraine | oui |
Saint-Dié | XVI.F.1. | xie siècle | Lorraine | oui |
Toul | XVI.E.5. | xie siècle | Lorraine | non |
Toul | XVI.E.6. | fin xie-début xiie siècle | Lorraine | non |
Toul | XVI.E.7. | fin xie-début xiie siècle | Lorraine | non |
Verdun | XVI.I.17. | fin xie-début xiie siècle | Lorraine | non |
Verdun | XVI.I.20. | fin xie-début xiie siècle | Lorraine | non |
Verdun | XVI.I.21. | fin xie-début xiie siècle | Lorraine | non |
Verdun | XVI.I.22. | fin xie-début xiie siècle | Lorraine | non |
Verdun | XVI.I.23. | fin xie-début xiie siècle | Lorraine | non |
Verdun | XVI.I.24. | fin xie-début xiie siècle | Lorraine | non |
Verdun | XVI.I.25. | fin xie-début xiie siècle | Lorraine | non |
Verdun | XVI.I.26. | fin xie-début xiie siècle | Lorraine | non |
Metz | XVI.A.28. | fin xie-début xiie siècle | Lorraine | non |
Saint-Trond | XVI.C.1. | fin xie siècle | Belgique | non |
Soissons | XIII.F.3. | xie-xiie siècles | Ile-de-France | oui |
Soissons | XIII.F.4. | xie-xiie siècles | Ile-de-France | oui |
Soissons | XIII.F.5. | xie-xiie siècles | Ile-de-France | oui |
Metz | XVI.A.42. | xiie siècle | Lorraine | non |
Saint-Trond | XVI.C.2. | xiie siècle | Belgique | non |
Wissembourg | I.B.1. | xiie-xive siècle | Alsace | non |
Wissembourg | I.B.2. | xiie-xive siècle | Alsace | non |
Wissembourg | I.B.3. | xiie-xive siècle | Alsace | non |
Wissembourg | I.B.4. | xiie-xive siècle | Alsace | non |
Wissembourg | I.B.5. | xiie-xive siècle | Alsace | non |
Wissembourg | I.B.6. | xiie-xive siècle | Alsace | non |
Wissembourg | I.B.7. | xiie-xive siècle | Alsace | non |
Wissembourg | I.B.8. | xiie-xive siècle | Alsace | non |
Toul | XVI.E.8. | xiie siècle | Lorraine | non |
Toul | XVI.E.13. | fin xiie siècle | Lorraine | non |
Toul | XVI.E.9. | fin xiie siècle | Lorraine | non |
Strasbourg | I.A.22. | fin xiie siècle | Alsace | non |
Toul | XVI.E.15. | fin xiie-début xiiie siècle | Lorraine | non |
Toul | XVI.E.16. | début xiiie siècle | Lorraine | non |
Besançon | XI.A.6. | xiiie siècle | Bourgogne (comté) | non |
Cela fait 56 monnaies. L’édifice se trouve tantôt au droit, tantôt au revers. Le type tournois est bien isolé, et ce par plusieurs aspects. Géographiquement d’abord, les édifices ne sont représentés que sur les monnaies du Nord et de l’Est : En Bourgogne, Lorraine, Alsace, Picardie.
Ensuite, du point de vue du rapport entre la légende et le type qu’elle entoure, les deniers tournois au « châtel » fonctionnent de façon complètement différente. Si l’on admet que le type désigne un édifice, donc à travers lui un lieu, on a au droit l’édifice en question, et au revers la désignation de ce lieu. Ce n’est jamais ainsi que sont réparties les légendes et les types lorsque la monnaie donne à voir un édifice.
Sur les 56 monnaies, 35 ont un édifice entouré du nom du lieu, soit 62,5 %. Les autres monnaies n’ont pas du tout de nom de lieu ― à trois exceptions près, pour lesquelles le nom de lieu n’est pas mentionné sur la face où apparaît l’édifice : à Beauvais28, Saint-Dié29 et Toul30.
Par ailleurs, sur les deniers perpétuant le type carolingien au temple tétrastyle, la logique est la même : soit le nom de l’atelier n’apparaît pas, soit il apparaît sur la même face que le temple. Le denier de Saint-Dié est le seul qui ne soit pas dans ce cas.
3. Le type tournois et les types hagiographiques
Si l’on repousse l’interprétation du type tournois comme une dégénérescence du temple, ou comme la représentation d’un édifice architectural, la seule hypothèse que l’on puisse proposer, nous semble-t-il, est d’y voir un reliquaire.
Jean Babelon a proposé une autre théorie : il y voit une représentation du temple de Salomon31. Mais aucun élément de nature numismatique ne vient étayer son argumentation.
Il faut à présent voir quel genre de légende entoure les reliquaires et les représentations de saints que l’on peut considérer comme des reliquaires : le buste de saint Mayeul à Souvigny ; le buste de saint Martial dans l’abbaye de Limoges ; la tête de saint Médard dans l’abbaye de Soissons ; la tête de saint Maurice à Vienne ; à Besançon la dextre bénissante. Il n’est nul besoin de publier ici un tableau pour s’en rendre rapidement compte : la représentation du saint est entourée de son nom, précédé le plus souvent de Sanctus, abrégé SCS ou S. Or c’est ce que l’on trouve à Saint-Martin : SCS MARTINVS. Dans presque tous les monnayages cités ci-dessus, on trouve le nom de l’atelier renvoyé au revers : Silviniaco à Souvigny ; Lemovicensis à Limoges ; Maxima Galliarum à Vienne ; Vesontio à Besançon. Et lorsque ce dernier atelier utilise comme type monétaire un motif architectural, il le désigne comme tel autour de l’objet dessiné : Porta Nigra. Seul Saint-Médard ne mentionne pas le nom de Soissons au revers, et pour cause : ce revers sert à inscrire le nom de saint Sébastien.
On pourrait objecter que Sanctus Martinus ne désigne pas le saint, mais le lieu. C’est exclu : le nom du lieu se trouve déjà autour de la croix, et suffit pour les utilisateurs à identifier la monnaie comme venant de Tours.
Si les moines décident de monnayer en faisant valoir la présence de reliques dans leurs murs, pourquoi n’avoir pas employé un type anthropomorphe, comme dans les autres exemples donnés ci-dessus ? Pourquoi avoir abandonné le type à la tête de profil.
A cela, on peut apporter plusieurs hypothèses. La première consiste à dire que le pèlerinage de Saint-Martin de Tours est si fameux que chacun est capable d’identifier dans le type tournois le reliquaire qu’il a pu voir de ses propres yeux le jour où il s’est rendu sur le tombeau du saint. Cela implique que le type numismatique est dessiné directement d’après un objet réel, ce qui n’arrive pas fréquemment.
On peut aussi proposer l’explication suivante : le type tournois découle bien du temple carolingien, mais est fortement déformé, car sa signification n’est au xie siècle plus comprise. Le dessin hésite un peu, jusqu’à ce que les graveurs parviennent à « identifier » le reliquaire conservé dans la basilique Saint-Martin. A partir de là, ils reconnaissent, comme nous l’avons dit, un objet connu, et le type se stabilise. Un autre exemple similaire se retrouve à Valence entre le xie et le xiie siècle : un ange de face, progressivement mal compris, se transforme peu à peu en aigle de face, parfaitement comprise.
L’instabilité d’un type révèle très souvent son incompréhension par ceux qui le représentent : c’est ainsi que la fleur de lis arrive « accidentellement » sur les monnaies des comtes de Blois ; que la crosse apparaît, par déformation d’une lettre de la légende, sur les monnaies épiscopales de Cahors ; que dans l’atelier monétaire de Saint-Médard, saint Sébastien se voit attribuer un étendard comme emblème.
Le dessin du châtel tournois pourrait donc bien provenir du temple tétrastyle, sans pour autant qu’il s’agisse à proprement parler d’une dégénérescence, et sans que les deux types contiennent la même signification.
4. Le denier tournois, monnaie royale
Châteauneuf se trouve au milieu de la Touraine qui, dans la deuxième moitié du xiie siècle, est dans l’empire Plantagenêt. Mais par son statut, l’abbaye dépend directement du roi de France.
En 1203-1204, Philippe Auguste conquiert Châteauneuf sur Jean sans Terre et récupère l’atelier à son profit. Il entreprend d’en faire une monnaie royale, purement laïque, et d’employer le type tournois dans ses autres ateliers. dans Dans un premier temps, le roi de France semble hésiter entre deux formules : conserver la légende du droit, SCS MARTINVS, autour du châtel, et placer son propre nom au revers, PHILIPVS REX34 ; ou placer le nom du lieu, TVRONVS CIVIS, antérieurement en légende du revers, dans le rondeau du droit, et les nom et titre royaux autour de la croix35. C’est finalement cette dernière disposition qui est maintenue. Le nom de saint Martin disparaît donc des deniers tournois vers 1207.
Le châtel tournois figure sur les monnaies royales jusque sous Charles V ; il s’étend en Flandre, au Luxembourg, en Italie… ― même au Moyen Orient, par l’intermédiaire des Croisés.
Le choix du système tournois par le roi de France est dû à la nécessité pour lui d’émettre des monnaies circulant aisément dans les nouveaux territoires qu’il vient d’annexer au domaine royal. Il fait donc frapper des deniers parisis destinés surtout à circuler dans le Nord du royaume, et des tournois pour les régions au sud de la Loire. Ensuite, le tournois prend de plus en plus d’importance sur le parisis.
Ce monnayage n’est pas inscrit dans l’ordonnance de 1315. L’abbaye ne monnaie plus depuis longtemps. Mais l’abbé obtient de Louis X (1314-1316) le droit d’apparaître dans les ordonnances monétaires postérieures. Cela ne signifie évidemment pas une restauration réelle du droit de frappe et une remise en activité de l’atelier abbatial.
Description
Denier (fin ixe siècle) :
+ CΛΛLVS ΛEX Temple tétrastyle dans le champ.
Rev. : + SCI MARTN MONTΛ Petite croix dans un grènetis, cantonnée aux quatre cantons d’un point.
PA 1619.
Denier frappé vers 910-920 :
Tête nue à droite, accostée à gauche d’un S surmonté d’un tilde, à droite d’un M surmonté d’un tilde.
Rev. : + RATIO SC-I MΛRTINI Monogramme carolin.
PA 1620.
Ce type, qui apparaît vers 935, est peut-être inspiré par la vue de monnaies pontificales au buste de saint Pierre36 ou par des monnaies de Constantin au type « de l’orant. »37
Denier (xe siècle) :
+ SCS MARTINVS Temple tétrastyle dans le champ.
Rev. : + TVRONIS CIVITΛS Croix pattée dans un listel.
PA 1622 ; ROBERTS n° 4851 ; Dy 2004, 408.
Duplessy date cette monnaie de la fin du xe ou du début du xie siècle.
Denier (fin xe ou xie siècle) :
+ CΛPVT SC-I MΛRTINI Tête diadémée à droite dans un grènetis.
Rev. : + TVRONIS CIVITΛS Croix pattée dans un grènetis.
PA 1621 ; ROBERTS n° 496338.
Denier (fin xie-début xiie siècle) :
+ SCS MΛRTINIΛS Châtel de style primitif.
Rev. : + TVRONVS CIVI Croix pattée dans un grènetis.
PA 1631 ; ROBERTS n° 4853 ; Dy 2004, 410.
Duplessy date cette monnaie du milieu du xie siècle.
Denier (fin xie-début xiie siècle) :
+ SCS M°ΛRTINVS Châtel de style primitif.
Rev. : TVRONVS CIVI Croix pattée dans un listel.
PA 1634 ; ROBERTS n° 4854.
Denier (fin xie-début xiie siècle) :
+ SCS M°Λ°RTINVS Châtel, une croix à l’intérieur.
Rev. : + TVRONVS CIVI Croix pattée dans un grènetis.
PA 1628 ; ROBERTS n° 4855.
Denier (xiie siècle) :
SCS MΛRTINVS Châtel dans le champ, sommé d’une croix coupant la légende.
Rev. : + TVRONVS CIV Croix pattée dans un listel.
PA 1639 ; ROBERTS n° 4856.
La croix qui surmonte le châtel sert de croisette initiale.
Denier (xiie siècle) :
SCS MARTINVS Châtel dans le champ, sommé d’une croix coupant la légende.
Rev. : + TVRONVS CIVI Croix pattée dans un grènetis.
PA 1646 ; ROBERTS n° 4857.
Obole (xiie siècle) :
SCS MΛRTINVS Châtel dans le champ, sommé d’une croix coupant la légende.
Rev. : + TVRONVS CIV Croix pattée dans un listel, Λ et ω accrochés aux bras de la croix.
PA 1649 ; ROBERTS n° 4858.
Preuve
I.
919, 27 juin. ― Herstal.
[Acte remanié ?]
Le roi de Francie occidentale Charles le Simple (898-922), à la demande de Robert (890-922), frère de son prédécesseur le roi Eudes (888-898) et abbé de la basilique et du temporel de Saint-Martin de Tours, renouvelle en les énumérant les donations faites aux religieux du monastère et leur concède l’immunité. Il leur confirme le droit de frappe et accorde l’immunité à l’abbaye.
D’après l’édition de Philippe LAUER, Recueil des actes de Charles III le Simple (893-923), Paris, Imprimerie nationale, 1949, n° 101, p. 231-240, établie à partir de copies des xive et xviie siècles.
Les réserves à faire sur cet acte sont multiples, aussi nombreuses que les étrangetés formelles. Mais celles-ci peuvent s’expliquer si l’on considère qu’il s’agit d’une sorte de constitution accordée par Robert aux moines ; en outre, l’union des monastères de Saint-Martin et Marmoutier a rendu plus complexe encore l’élaboration du texte.
[…] Ut eidem sancto [Martino] in eodem castro, sicuti priscis temporibus a predecessoribus nostris regibus concessum fore probatur, propriam monetam et percussionem proprii numismatis nostra auctoritate concederemus. Et ut nullus ex eadem minister de ipsorum proprio argento monetaticum accipiat et quicquid annuatim exinde exactum fuerit in usibus fratrum conferatur. […] Quapropter decernimus atque jubemus ut supradicte res omnes et ville, cum castello et predictis terrulis extra positis atque moneta, mercede imperatorum et regum atque nostra aliorumque Xpisti fidelium ad supplementum seu confugium fratrum permaneant, cum aliis villis hic non nominatim expressis sed ipsis pertinentibus, […] ad proprios usus abbatum suorumque fideliom, exceptis dominicalium rerum nonis et decimis specialiter deputatis, sub nostre defensionis munimine modis omnibus consistant. […]
2 Ligugé : Vienne, cant. Poitiers.
3 Marmoutier : Indre-et-Loire, cant. Tours.
4 Actuelle rue des Halles de Tours.
5 Candes-Saint-Martin : Indre-et-Loire, arr. Chinon.
6 L’existence d’une abbaye de Saint-Martin ne doit cependant pas faire oublier que la grande abbaye tourangelle du Moyen Age reste Marmoutier. Les deux abbayes sont du reste étroitement liées. XYZ
7 C’est ce dernier édifice qui dure jusqu’à la Révolution, époque à laquelle elle est détruite.
8 Cormery : Indre-et-Loire, cant. Tours, à 20 km au sud-ouest de Tours.
9 Chablis : Yonne, arr. Auxerre.
10 Châteauneuf et Tours demeurent deux villes distinctes jusqu’en 1354, date à laquelle elles sont regroupées dans une même enceinte sur ordre du roi Jean II le Bon (1350-1364).
11 Karl Ferdinand WERNER, Les origines, Paris, Fayard, 1984. Rééd. 2001, p. 349 (Le Livre de poche).
12 Ibid., p. 350.
13 Prou 1896, n° 439.YZ
18 Cf. les commentaires qu’en fait l’éditeur de ce document, Philippe LAUER, dans le Recueil des actes de Charles III le Simple (893-923), Paris, Imprimerie nationale, 1949, n° 101, p. 231-240.
21 PA 3529.
22 Raoul de Bourgogne épouse Emma, fille de Robert et sœur de Hugues le Grand.
24 Joachim LELEWEL, La numismatique du Moyen Age considérée sous le rapport du type, Paris, 1835, t. I, 229 p.
25 Benjamin FILLON, Considérations historiques et artistiques sur les monnaies de France, Fontenay-Vendée, Robuchon, 1850, xi-251 p., iv pl.
26 Anatole de BARTHÉLEMY, Nouveau manuel complet de numismatique du Moyen Age, Paris, 1853 (Manuels Roret).
31 Jean BABELON, « Le temple ou le châtel », BSFN, 1968, n° 7-8, p. 309-313.
34 Dy 1999, 176.
35 Dy 1999, 177.
36 Cf. FILLON, Considérations historiques et artistiques sur les monnaies de France.
37 Michel DHÉNIN, « Un denier de Chartres au type anépigraphe à la tête », Club français de la médaille, 1978, n° 58, p. 154.
38 Roberts date ce denier du début du xie siècle. Guégan le place au milieu du xie siècle. Cf. Pierre GUÉGAN, « Hagiographie et numismatique », Echo des Calètes, 1981, n° 47.
Libellés : abbaye, atelier, numismatique, Saint-Martin de Tours
1 Commentaires:
Bravo et merci pour toutes ces informations....
@+ Numis37
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